La Méthode de Conceptualisation Relativisée (MCR)

    Il apparaissait de plus en plus clairement que les descriptions quantiques de microétats ont les deux suivantes spécificités majeures.

    * L'enracinement de chaque description quantique de microétat dans – directement – le réel physique aconceptuel, via une opération physique de radicale création du microétat-à-étudier qui l’introduit dans l’existence encore strictement non-connu en ce qui concerne ses spécificités individuelles.

    * La relativisation de chaque telle description, à trois éléments descriptionnels:

- l'opération de génération du microétat-à-décrire ;

- ce microétat lui-même ;

- une "vue" de qualification par des opérations conceptuelles-physiques de "mesure".

 

    Une fois que ceci a été remarqué, une analyse approfondie révèle que toute description naturelle implique elle aussi les trois relativités mentionnées – plus ou moins radicalement (quelquefois d'une manière évanescente ou entièrement occultée par des caractères neurobiologiques "câblés" génétiquement), mais toujours – et que tout enchaînement de descriptions, si l'on descend jusqu'à ses tout premiers débuts, y révèle des enracinements directs dans du réel physique aconceptuel via des descriptions primordiales du type qui généralise l'essence des descriptions quantiques.

    J'ai donc développé une méthode de conceptualisation relativiséeMCR – en la fondant sur l'exigence explicite des caractères mentionnés.

   Ceci méthodologise les actions descriptionnelles et induit dans le volume du conceptualisé (du décrit, du qualifié) une structuration globale ayant le caractère d’un réseau de chaînes de descriptions relativisées de plus en plus complexes. Ici et là deux ou plusieurs chaînes se rencontrent dans un "nœud descriptionnel". Et chaque chaîne s'enracine dans du réel physique aconceptuel via des descriptions du type primordial qui synthétise l'essence des descriptions quantiques. J'ai dénommé les descriptions de ce type, des descriptions de base "transférées" (sur des enregistreurs d'appareils, via des marques physiques observables).

 

Il s'agit là d'un type descriptionnel qui est entièrement ignoré par la pensée et les langages usuels, de même que par la logique classique, les probabilités classiques, et par l'entière science classique; et notamment aussi par l'entière physique macroscopique[2] .

 

    Les disciplines classiques sont exposées comme si la construction des descriptions qu'elles contiennent pouvait s'accomplir en utilisant quasi exclusivement du langage ; du langage conçu comme une sorte de miroir qui formerait juste des images des entités et des faits dont il est question, qui, eux, préexisteraient (cf. l'indication bibliographique très importante de la note 5, d'un ouvrage célèbre de Wittgenstein). La grammaire et la logique classique tendent à occulter les opérations physiques qui interviennent radicalement dans la construction de certaines descriptions d'entités physiques, même dans la vie courante. Tandis que dans nombre de sciences de la nature – notamment en microphysique – les opérations physiques ont souvent un rôle tout simplement central dans la construction des descriptions.

    Or MCR, par les descriptions de base transférées, pénètre en dessous de tout langage et elle implante explicitement les racines de la conceptualisation humaine directement dans le réel physique aconceptuel, à l'aide d'opérations physiques-conceptuelles radicalement créatrices. Car, comme déjà souligné, toute description de base transférée comporte par construction une opération physique qui agit dans du réel physique inconnu, encore jamais qualifié, et y crée entièrement une entité-objet-de-descriptions qui avant n'existait pas et qui émerge encore strictement non connue, elle, spécifiquement. Cette entité physique déjà créée, mais encore non-décrite, cette entité-à-décrire, est ensuite hissée sur le plancher du volume du conceptualisé, en la soumettant à des opérations de qualification primordiale, toute première, qui consistent en "interactions de mesure". Je dis "sur le plancher" du volume du conceptualisé, parce que le résultat de ces "interactions de mesure" primordiales n'est qu'un groupe de marques observables sur des enregistreurs d'appareils, dépourvu de toute structuration conceptuelle, dépourvu même de toute organisation d'espace et de temps. MCR explicite entièrement comment, une fois qu'un tel groupe de marques a été constitué, on peut lui associer une organisation statistique-probabiliste "primordiale" qui est vide de tout modèle du genre "objet" au sens classique, et qui – corrélativement – est elle aussi foncièrement dépourvue de toute structuration d'espace et de temps. MCR explicite ensuite aussi comment, à partir de cette organisation probabiliste primordiale, on peut construire des modèles du type "objet" (au sens classique), à organisation d'espace-temps "causalisante". Et ensuite MCR montre comment ont peut continuer les processus de conceptualisation amorcés ainsi, en élaborant des chaînes indéfinies de descriptions – i.e. de "sens" – de plus en plus complexes, qui se combinent et constituent des systèmes de conceptualisation.

    Dans MCR les processus de conceptualisation sont représentés – et normés – depuis leur naissance et jusqu'à leur limite métaphysique.  

 

    En conséquence de l'explicitation du fait que toute chaîne descriptionnelle s'avère être enracinée dans le réel physique aconceptuel, via des descriptions de base transférées, la structuration MCR des processus de conceptualisation esquissée ci-dessus induit deux effets majeurs qui n'avaient pas été requis au départ, ni même prévus.

    * Elle met en évidence une COUPURE qui traverse l’entier volume des conceptualisations humaines. Cette coupure sépare l'ensemble des processus de conceptualisation, en une couche primordiale mais jusqu'ici ignorée constituée de descriptions de base transférées, et une strate d'épaisseur non limitée dont les briques sont des modèles d' "objets" au sens classique – mais des modèles explicitement fondés sur des descriptions transférées primordiales – qui permettent une pensée classique (dans le cadre de MCR ces modèles doivent être accomplis selon des règles spécifiées).

    Cette coupure générale [(descriptions transférées)-(modélisations classiques)] inclut la fameuse "coupure quantique-classique" tout en l’expliquant. Cependant que le concept MCR général de description de base transférée, inclut les descriptions de microétats réalisées dans la mécanique quantique (cf. (16) et surtout (17)).

    * À l’intérieur de MCR l'impossibilité de "connaître" du réel-en-soi, affirmée par Kant depuis presque un quart de millénaire et admise par les philosophes de manière quasi unanime, mais ignorée par beaucoup de penseurs dans le domaine des sciences de la nature, s'impose déductivement, unissant ainsi le domaine de la rationalité, à celui du métaphysique. Donc MCR organise de A à Z le volume intérieur du conceptualisé, en partant du réel physique aconceptuel, et en atteignant le métaphysique qui échappe à la rationalité. 

 

Mentionnons maintenant quelques caractéristiques globales de MCR.

 

    - MCR est accomplie d’emblée d’une manière "formalisée qualitativement".

   - Elle assigne constamment un rôle central à ce qu'on y dénomme le fonctionnement conscience de l’observateur-concepteur : c’est ce fonctionnement conscience qui, pas à pas et tout à fait librement, décide du prochain but descriptionnel ; donc d'un choix – en général constructif – de l’opération de génération de l’entité-objet-de-description et de la vue qualifiante ; donc de la nouvelle direction de conceptualisation imposée.

 

À l’intérieur de MCR les BUTS descriptionnels – globaux ou locaux, ainsi que leur cohérence et optimalité mutuelle – tiennent explicitement un rôle central, et cela, bien entendu, est organiquement lié au caractère normatif, méthodologique, de l’entière structure de cette approche.

 

    Mais d’autre part l’élaboration technique de chaque cellule descriptionnelle, isolément, est, elle, strictement dictée par le formalisme qualitatif de la méthode. 

 

Il s'ensuit qu'un ordinateur – à lui seul – ne pourra jamais conceptualiser selon MCR car, le long d'une chaîne descriptionnelle, il ne "saura" pas comment passer "automatiquement" d’une cellule descriptionnelle achevée, à la suivante. Mais un ordinateur muni d’un programme obéissant à la méthode, s’il était en outre guidé par un homme qui y inscrirait (dans le langage de la méthode) ses propres buts de description suggérés par ses propres curiosités, travaillerait pour cet homme-là exactement comme le requiert la méthode.

 

    Ceci pourrait intéresser les informaticiens et notamment les roboticiens, mais aussi plus généralement tous ceux qui tentent d’informatiser des modélisations de systèmes complexes.

 

    - Dans MCR les systématiques relativisations descriptionnelles excluent tout glissement dans du "relativisme": en effet les relativisations descriptionnelles sont restrictives, mais à ce prix elles garantissent une parfaite rigueur et précision. Donc elles sont à directement opposer à tout vague "relativistique". La confusion entre relativisations et relativisme est à éradiquer radicalement.

    - L’émergence et l’élaboration de connaissances sont traditionnellement étudiées d’un point de vue fondé sur des données psychologiques et neurobiologiques et dans l’esprit d’un compte rendu neutre concernant les faits naturels qui sont impliqués, tels qu'ils peuvent être perçus, c'est-à-dire en excluant comme "non scientifique" tout autre but hormis celui de construire des connaissances concernant les faits naturels. Les approches cognitivistes modernes continuent cette tradition : au départ toute idée de but supplémentaire face à celui de construire des connaissances sur des faits naturels, est rigoureusement évitée. Cependant que MCR – comme le souligne sa dénomination – est une structure méthodologique, normative, construite délibérément de manière à protéger contre toute insertion de faux absolu qui par la suite puisse agir comme un germe de faux problèmes ou de paradoxes.

    C'est le but majeur de MCR, mais ce n’est pas l’unique but descriptionnel qu'elle peut loger dans son cadre. En effet, toujours par construction, MCR permet de développer dans son cadre des processus de conceptualisation qui puissent optimiser face à tout autre but descriptionnel, différent de son but majeur, à condition seulement que ce but soit bien défini et poursuivi explicitement. Car la liberté, pour l'observateur concepteur qui est l'œuvre, de choisir comme il veut, le long de toute chaîne de descriptions donnée, la succession des entités-objet-de-description considérées et les grilles de qualification utilisées, permet d'orienter les buts descriptionnels locaux de manière à ce que les descriptions enchaînées puissent servir tout but descriptionnel global que l'on désire réaliser.

 

Il en résulte que MCR est structurellement ouverte à l'incorporation des processus d'invention technique ou artistique. 

 

Enfin, je mentionne les résultats suivants accomplis à ce jour dans le cadre de MCR.

 

    * Dans le cadre de MCR les deux conceptualisations humaines les plus générales, la conceptualisation logique et la conceptualisation probabiliste, ont été d'abord soumises à une analyse critique, puis reformulées en termes "génétiques", i.e. en termes qui explicitent la genèse de toute structure logique ou probabiliste et en gardent trace dans les notations. Or, dans leurs reformulations MCR génétiques, les conceptualisations logique et probabiliste S’UNIFIENT en profondeur, tout en s'étendant au-delà de leurs domaines classiques (cf. (15), (16) et surtout (17) et (18)).

    * MCR a permis de résoudre une difficulté majeure de la conceptualisation probabiliste classique, à savoir le fait qu'à ce jour même aucune procédure générale n'a été définie pour construire la loi de probabilité FACTUELLE qui agit dans une situation factuelle donnée qui, unanimement, est considérée comme étant "probabiliste". J'ai dénommée ce fait l'aporie de Kolmogorov parce que c'est Kolmogorov lui-même qui l'a signalé avec le plus de vigueur à partir de 1983 ; et à cause de cette circonstance tout simplement sidérante et scandaleuse, Kolmogorov a déclaré qu'il considérait désormais sa théorie des probabilités comme un chapitre des mathématiques pures, dépourvu de toute applicabilité pratique ! (cf. (17) mais surtout (18)).

    La solution MCR de l'aporie de Kolmogorov, telle qu'elle se trouve exposée dans (18), consiste en une procédure pratique pour définir la loi de probabilité factuelle qui correspond à une situation probabiliste donnée, quelconque mais classique. En outre le travail cité contient aussi l'élaboration d'une équation qui exprime la cohérence formelle entre les données qui caractérisent la procédure pratique mentionnée pour, d’une part spécifiquement la situation probabiliste particulière considérée, et d'autre part le théorème abstrait et général des grands nombres.

    * Le contenu de "sens" de la théorie des communications d'information [3] de Shannon – dont on affirmait qu'elle ne comporterait aucune sorte de "sens", ce qui évidemment n'est pas concevable – est identifié et localisé (17).

    * MCR a permis de définir des mesures de complexité qui préservent l'entier contenu sémantique de l'entité considérée (17).

    * MCR a permis de reconstruire dans son cadre une représentation – bi-dimensionnelle – du concept de temps qui, nous semble-t-il, élucide plusieurs aspects de base reliés à ce concept (temps-changement, temps-psychique, temps "physique", mesures de temps) (17).

 

[1] La méthode ce Conceptualisation relativisée a été exprimée publiquement dans chacune de ses phases. Ici nous ne mentionnons que les publications les plus récentes (2202 et 2006) qui sont aussi les plus complètes et élaborées.

[2] Pourtant l'on pratique souvent des variantes plus ou moins "parfaites" de description de base transférées, à tous les niveaux de la conceptualisation, macroscopique ou même cosmique, pas seulement au niveau microscopique où sont logées les descriptions quantiques de microétats. Les descriptions de ce type ignoré se révèlent être caractéristiques de toute collecte de données strictement premières concernant une entité réelle qui n'avait été qualifiée jamais avant, à l'aide de la grille de qualification considérée, et d'ailleurs même si l'entité considérée est de nature psychique.

[3] Dénommée aussi, faussement, théorie de l' "information", ce qui conduit à une série indéfinie de confusions.

 

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